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On croit souvent qu’une série photo parle d’elle-même. Pas toujours. Quand je rentre du terrain, je n’ai pas “des images”, j’ai des fragments : une lumière, un geste, un parfum d’orage, une pierre moussue. Pour que tout cela devienne un chapitre, je dois bâtir une logique — un fil qui guide le lecteur comme il a guidé mon regard.

Pourquoi partir d’une série

La série, c’est mon laboratoire. Elle fixe un territoire (un jardin, un quartier, une fête) et une idée simple : suivre la naissance d’une lumière, la répétition d’un motif, la transformation d’un lieu au fil du jour. Je commence par étaler les images en planche-contact : je cherche des rimes visuelles (lignes, textures, couleurs), des ruptures (un visage, un bruit, une pluie). Là, la narration se dessine d’elle-même.

Trouver le fil conducteur

Tout chapitre a une promesse. La mienne tient en une phrase courte — presque un titre de chanson : “Dans ce jardin, l’eau n’éteint pas la pierre, elle la révèle.” Cette phrase devient mon fil conducteur. Je garde les photos qui la confirment, j’écarte celles qui la contredisent, même si je les adore. La cohérence est un acte de renoncement.

Du plan visuel au plan du texte

Je pose ensuite un plan en trois mouvements :

  1. Ouverture : installer le lieu sans tout dévoiler (deux images larges + une note sensorielle).
  2. Déploiement : alterner plans rapprochés et scènes, faire sentir le rythme (pas seulement “montrer”).
  3. Résolution provisoire : élargir ou déplacer le regard, laisser une porte entrouverte.

Chaque image “titulaire” reçoit une phrase-pivot : pas une légende descriptive, plutôt une impulsion de lecture. Exemple : au lieu de “Jardin X, Kyoto”, j’écris “Le gravier garde la mémoire des pas”.

Rythme et transitions

En texte comme en image, le rythme est décisif. Je module :

  • Long / court : une phrase ample pour respirer, une brève qui frappe.
  • Silences : un saut de ligne peut valoir une image manquante.
  • Transitions : je relie les scènes par un détail récurrent (une goutte d’eau, une feuille rouge, une ombre).
    Ces transitions évitent l’effet “catalogue”. Elles transforment la visite en parcours.

Scènes et ellipses

Je choisis quelques scènes (moments précis, ancrés) et j’assume des ellipses (ce que je ne raconte pas). Une bonne ellipse est un cadeau : elle laisse au lecteur la place d’entrer. Quand j’écris, je m’interdis l’exhaustivité. Je préfère la justesse : une sensation, une direction, un pas de côté.

Réécrire, resserrer, accorder

Dernière étape : la réécriture. Je coupe tout ce qui répète la même idée. Je vérifie l’accord image-texte : si une photo est très explicite, le texte doit faire autre chose que paraphraser (contextualiser, déplacer, contredire légèrement). Je lis à voix haute : si ça bute, je simplifie. Le chapitre doit tenir sans les images et, en même temps, enrichir leur lecture.

Ce que je vise

Pas un guide, pas un album : une expérience. Qu’en refermant le chapitre, on garde une sensation nette — l’humidité d’un matin, la patience d’un gardien, la lenteur d’un râteau sur le gravier. Si cette sensation persiste, alors l’histoire est montée.

Le résultat ?

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